La succession

vie

"Il ne faut jamais se tromper de vie. Il n'existe pas de marche arrière".

père, mort

"J'aurais aimé qu'au moins une fois avant de mourir, mon père fasse le voyage vers la Floride pour me voir, moi, son fils, gagner ne serait-ce qu'un point et être acclamé par cette foule de parieurs qui brandissaient parfois leurs tickets comme pour nous rappeler ce que nous leur devions. Il aurait dû voir cela. Mon père n'est jamais me venu voir jouer. Ni ici, ni à Hendaye, Saint-Jean, Biarritz, Hossegor, Bilbao, Guernica ou Mauléon. Nulle part. Au fond, Barbosa avait raison. Trois semaines pour enterrer un homme pareil, c'était exagéré."

courir

" A cet instant j'aurais aimé l'avoir près de moi (ce chien), pour courir avec lui parmi mes semblables, courir comme les enfants, sans arrière-pensée, juste pour respirer le vent de la vitesse et se sentir sauvage, animal, presque heureux, lâcher le fil de la mémoire et des regrets, lancer les bras comme des pistons, toucher à peine terre entre deux foulées, effleurer le sol, avoir parfois le sentiment de le quitter."

déprime, dépression

" La journée glissa lentement vers le soir, dans une atonie qui s'accordait avec ma lassitude."

identité

" Si je m'étais aussi facilement expatrié, si j'avais aussi aisément sauté d'une vie à l'autre, c'est que contrairement à la plupart des Basques que je connaissais et avec lesquels je jouais, je n'avais jamais ressenti aucun sentiment d'appartenance. Ni de patrie, ni de tribu, ni de terroir. L'histoire, la composition, la nature, la texture même de ma famille avait, je pense grandement contribué à ce sentiment de culture hors-sol, de croissance dépourvues de tuteur et d'identité. Les Katrakilis, comme d'ailleurs les Gallieni, semblaient être apparus ex nihilo."

lecture, lumière, sport

" Ses échappées de lecture, ses cures basques motorisées, ses rendez-vous avec le sport, étaient autant de minces trouées de lumière dans la masse nuageuse persistante de ses journées."

foi

" L'autre jour, à Saint-Jean, je t'ai vu, avec ton avant, perdre un match splendide de deux points. Deux pelotes de rien du tout qui t'envoient au diable. Et pourquoi ? Parce qu'en face, l'autre arrière - et lui je le connais, c'est un Espagnol à l'ancienne-, il croit. Et tu ne le savais pas, mais cette après-midi là, contre lui, tu n'avais aucune chance. Il avait commencé la partie avec un avantage d'au moins sept ou huit points, c'est ce que j'appelle le surplus de foi. C'est comme ça."

individu, détestable

" Chupeton faisait partie de cette catégorie d'individus à qui il ne fallait rien demander et surtout ne rien devoir. L'éviter en toute circonstance était un préalable."

vie, beauté

" De jolies filles riaient en dévoilant leurs dents faites pour mordre dans la vie."

silence, mort, docteur

" Les visites."Je vous trouve mieux aujourd'hui, et la tension est bonne." " Il faut manger, vous le savez et boire surtout." "Je vais vous faire une piqûre, ça va aller, ne vous inquiétez pas vous n'allez plus avoir mal." Dire n'importe quoi pour dire quelque chose, pour repousser le silence, parce que tant que l'on parle, la mort se tient à distance." 

" dans mon cabinets'entassaient les victimes de l'épidémie de grippe hivernale, le Noel des fabricants de paracétamol."

suicide

" Sans un mot ni explication, il s'était suicidé comme se pendent les criminels dans leur cellule. Encordés par le remords. Peut être mon père était-il lui aussi reclus dans une forme de solitude, enfermé dans une prison familiale avec des détenus dont il ne parlait pas la langue."

" L'asphyxie aux gaz d'échappement était la façon la moins agressive et la plus radicale de prendre congé de l'existence. J'ai lu qu' à 2% de CO2 dans l'air, la respiration devient plus ample. A 4 % elle s'accélère. A 10 %, on transpire, des tremblements apparaissent et la vue se brouille. A 15 % on perd connaissance et , ensuite, au-delà de 20 %, le coeur s'arrête, la respiration avec lui, et toute la mémoire des joies, des odeurs, des sentiments, des habitudes, les clés de la voiture, l'heure de la montre, les résultats sportifs, toutes ces choses qui nous relient au monde, toute cette splendide médiocrité qui fait une vie, tout cela s'arrête définitivement."

île, océan

 " comme toute îlienne - ses gènes étaient cubains - elle considérait l'océan comme une masse fluide de désagréments - elle disait dolor en el culo ("emmerdement") et très accessoirement comme une zone de bref rafraîchissement."