Contrepoint

temps

" Ta voix n'est pas fiable. Donc inapte à une utilisation professionnelle. Si tu fais beaucoup de séances d'orthophonie, tu pourras tout à fait continuer à chanter. En amateur.......Pendant deux ans elle se battra contre le jugement, contre la déception, contre son anatomie...Puis elle courbera la tête et s'avouera vaincue. Le temps souffle son haleine curative sur la plaie, qui peu à peu se transformera en cicatrice."

vieillesse

" La femme n'était pas encore vraiment ce qu'on peut appeler une vieille femme, mais elle était sans aucun doute déjà bien avancée vers la fin. Elle avait un ample passé.

tragédie, naissance, farce, symbiose

" Tout arrive deux fois, avait-elle lu récemment, la première fois sous forme de tragédie et la seconde sous forme de farce....La tragédie ne laissait pas de place à la reflexion et interdisait la distance nécessaire à une vue d'ensemble. La tragédie est une vague qui vous emporte, un flux de lave, une tornade. Pour la farce, on prend place dans la cabine d'observation.On regarde, on compare, on s'assure de l'opportunité du moment. ...La naissance est-elle aussi un évènement qui se produit deux fois ? On met au monde un enfant, c'est une tragédie. Une petite vingtaine d'années plus tard, on expulse sans enthousiasme de la maison parentale la jeune femme devenue adulte : une farce. Entre-temps, les lignes mélodiques ont divergé et il n'est déjà plus question depuis longtemps d'un chant monophonique parfait. Comment cela se passe-t-il, comment est-il possible de souhaiter rester proches et de s'écarter pourtant toujours plus ?"

"Symbiose. Ce mot exprimait le mieux ce que ressentais la femme quand elle portait encore la fille en elle. Le partage d'une circulation sanguine, d'une régulation thermique, d'un réglage des flux. Sentir chacune les mouvements et les changements de position de l'autre et, à peine consciemment, en tenir compte."

vie, perversité

"Pourquoi une mélodie qui monte puis descend provoque-t-elle tant de tristesse ? Est-ce qu’on était plus avancé quand on le savait ? Inspirer avec espoir, souffler avec déception. Monter la colline puis, fatalement, la redescendre. Recevoir une chose puis devoir y renoncer. La vie, quoi."

" Il connaissait la perversité traîtresse de la vie, savait que rien ni personne n'offre de protection contre la perte."

musique

"Le but de la musique est d'imiter la nature, estimait-il. Non, pas les montagnes, les ruisseaux et les arbres, mais la nature humaine. La vie émotionnelle. Les états d'âme."

" Avant de se mettre à jouer, la femme prenait le temps d'installer la lampe dans la position parfaite, comme un geôlier qui contrôle les murs d'une cellule à la recherche de ce qui n'a rien à y faire puis referme la porte. Sauf que, en l'occurence, elle restait à l'intérieur. Sauf que les murs étaient faits de lumière. Sauf que la durée de la peine n'avait pas été fixée."

ennui

" Un tel ennui que, tandis qu'elle jouait, elle pouvait penser à toute autre chose. Au concept d'ennui par exemple, à son utilité et sa nécessité. L'ennui avait indéniablement un côté agréable, il offrait une certaine prise, une protection face à la confusion. Grâce à l'ennui on pouvait être surpris, il suffisait de penser à cette unique et soudaine déchirure dans la couche de nuages pendant toute une journée où le ciel est couvert....C'était un mot étrange, il faisait penser à autrui et appui, des mots qui indiquent une relation et un mouvement, alors qu'ennui paraissait si silencieux, si seul. Peut-être que l'ennui était effectivement un voile au-dessus des pensées et d'évènements palpitants et indicibles."

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