Les lanceurs de feu

peur

" Mes peurs individuelles se fondaient les unes dans les autres, comme des mares qui se rejoignent follement, jusqu'à ce que je me retrouve avec un lac sur les bras. Je ne pouvais pas en voir le fond. Je ne pouvais pas en voir les rives. J'étais en train de me noyer."

monde, misère

" Nous continuons à croire qu'au- delà des mers l'Europe (et le reste du monde) retient son souffle en attendant le chapitre suivant de notre triste conte. Le monde ne nous attend pas. Il y a des voix plus bruyantes autour de la table maintenant. Africains. Russes. Réfugiés. Ils disent des choses terribles avec des mots qui requièrent une traduction. En comparaison nous ne sommes que du papier mouillé."

dureté, rage, cruauté

" Il craint pour ses enfants, son fils en particulier. Il y a une dureté chez ce garçon, propre au lieu. La dureté n'est pas la plus mauvaise façon de se comporter dans une ville si marquée par les déceptions. Pourtant Sammy sait que la dureté, si on la laisse mijoter, engendre la rage, et la rage est voisine de la cruauté, et c'est cela qu'il voit chaque fois qu'il regarde Mark : cette ville, qui lui salit son fils, tout comme elle l'a détruit jadis."

football

" C'est un été de coupe du monde. Les gens d'ici (Belfast) apprécient particulièrement le football parce que c'est un jeu à deux camps où on donne des coups de pied."

vacances, enfant, école, éternité

" Il reste deux mois pleins avant l'école. Tout juillet. Tout le mois d'août. Quand ils pensent à la fin des vacances, c'est comme penser à la distance entre deux systèmes solaires. C'est l'éternité, et les enfants sont étourdis par son ampleur."

est, gris, pluie, saison, été

" La couleur de l'Est c'est le gris, quarante nuances, chacune plus prononcée que la précédente. Il fait un complément parfait à la pluie."

" On n'est encore qu'en juin, et l'été n'a pas encore grandi à la taille de son nom."

père, mère, désintérêt

" ça serait bien d'être débarassé des deux (père et mère). Le poids de leur désintérêt était une charge que je traînais comme une jambe engourdie."

insignifiance, déprime

 " Les avions des lignes commerciales qui décollent ou atterissent à City Airport continuent à le survoler. Ils n'ont pas conscience de Sammy ni de la forme qu'il trace tout en marchant. Il est trop petit pour être visible depuis le ciel. Il est un grain de sable, un point, une tête d'épingle, un signe de ponctuation mal placé. Même Dieu aurait besoin de plisser les yeux."

" il remarque le sillage des vols d'été qui fument en quittant Belfast....Il envie leurs ailes, leur aptitude à se lever et partir. Cela exige une légèreté qu'il a perdue depuis longtemps. Il continue à marcher, tout en tirant sur sa cigarette...il marche au mileu de la rue. Personne ne l'arrête. Personne ne sourit ni ne lève le menton pour dire "beau temps, hein ?" ou "'jour". Le visage qu'il porte ressemble à des obsèques de week-end. Même les pigeons font un détour pour l'éviter."

" Je me donne de l'occupation afin de laisser à la tristesse moins de chance d'enfoncer ses dents."

 douceur, quiétude

" Sammy dévisage le vieillard. Une sorte de douceur émane de lui, le genre de quiétude qu'on saisirait à la surface d'une mare quand il n'y a pas de vent et que le ciel luisant se réfléchit dans le ciel." 

 séparation, abandon, pensée

" Elle n'est qu'une personne de plus qui a levé le camp et m'a quitté. Elle est partie, mais toujours cousue en moi, cuisante chaque fois que mon esprit saisit la pensée d'elle."

médecin, docteur, ton, patient

" Le docteur Bell émet quelques bruits de compassion tout en parlant. Il emploie le ton spécial à l'eau tiède que tous les médecins réservent aux patients qui ont des problèmes de santé mentale."

" J'ai oublié que les patients s'excusent souvent, comme s'ils étaient responsables d'avoir attrapé des poux ou contracté une leucémie, comme si, avec un maximumde précautions, ils auraient pu repousser un début d'arthrite et faire économiser d'importantes ressources à la Sécurité sociale."

étranger, personnalité, moi

" Je suis différent, ces temps-ci. Ca fait vingt ans depuis la dernière fois où j'ai levé les poings et frappé quelqu'un. J'ai pas le sentiment d'être un homme différent, je me sens comme un étranger. Je porte mon vrai moi à l'intérieur, comme une femme enceinte ou une de ces poupées russes."

vieillesse

" Les vieux sont comme des disques rayés sur ce qu'était le Douze autrefois."

couple

" Le couple n'a plus grand chose à se dire, car tous les grands mots sont maintenant hors de portée. Enfants. Avenir. Sexe. Ils parlent des langues différentes, et ces langues sont comme un mur de verre qui s'élève entre eux chaque fois qu'ils s'assoient."

espoir

 " Sammy dit à sa femme exactement ce qu'il se dit à lui-même : " Attends de voir, chérie. Le gamin va être formidable. C'est juste une petite phrase de rien qu'il traverse." Il enroule ses poings en marteaux quand il dit cela, façon de se dire que l'espoir est une chose qu'on peut saisir et garder serré.