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Les citations sérieuses du docteur Chabry
Les citations sérieuses du docteur Chabry
  • Orpailleur littéraire, voilà ce que je suis. Les livres sont pour moi des rivières dans lesquelles je cherche des paillettes d'or. Mon trésor à moi ce sont les citations que j'extrais de mes lectures, ce sont mes pépites!
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Les  citations sérieuses du docteur Chabry
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3 août 2022

Les Croix de bois

 

CVT_Les-Croix-de-bois_8195

croix, soldats, morts, bonheur, peur

" Sur le bord des fossés, leur file s'allongeait, croix de hasard, faites avec deux planches ou deux bâtons croisés. Parfois toute une section de morts sans nom, avec une seule croix pour les garder tous. "Soldats français tués au champ d'honneur", épelait le régiment. Autour des fermes, au milieu des champs, on en voyait partout : un régiment entier avait dû tomber là. Du haut du talus encore vert, ils nous regardaient passer, et l'on eût dit que leurs croix se penchaient, pour choisir dans nos rangs ceux qui, demain, les rejoindraient."

" Ils dorment à présent. Redressé sur le coude, je les regarde, à peine distincts; je les devine plutôt. Ils dorment , sans cauchemar, comme les autres nuits. Leurs respirations se confondent : lourds souffles de manoeuvres, sifflements de malades, soupirs égaux d'enfants. Puis il me semble que je ne les entends plus, qu'elles se perdent aussi dans le noir. Comme s'ils étaient morts...Non je ne peux plus les voir dormir. Le sommeil écrasant qui les emporte ressemble trop à l'autre sommeil. Ces visages détendus ou crispés, ces faces couleur de terre, j'ai vu les pareils autour des tranchées, et les corps ont la même pose, qui dorment éternellement dans les champs nus. La couverture brune est tirée sur eux comme le jour où deux copains les emporteront rigides. Des morts, tous des morts..Et je n'ose dormir, ayant peur de mourir comme eux."

" Maintenant, on savoure la moindre joie, comme un dessert dont on est privé. Le bonheur est partout ; c'est le gourbi où il ne pleut pas, une soupe bien chaude, la litière de paille sale où l'on se couche, l'histoire drôle qu'un copain raconte, une nuit sans corvée...Le bonheur, mais cela tient dans les deux pages d'une lettre de chez soi, dans un fond de quart de rhum. Pareil aux enfants pauvres, qui se construisent des palais avec des bouts de planche, le soldat fait du bonheur avec tout ce qui traîne. Un pavé, rien qu'un pavé où se poser dans un ruisseau de boue, c'est encore du bonheur. Mais il faut avoir traversé la boue, pour le savoir."

" Dans la poussière et les plâtras, nous avions pris la teinte neutre de ce cimetière des choses. Rien de vivant, de façonné; des débris pilonnés, un chantier de catastrophe où tout se confondait : les cadavres émergeant des décombres, les pierres broyées, les lambeaux d'étoffes, les débris de meubles, les sacs de soldats, tout cela semblable, anéanti, les morts pas plus tragique que les cailloux."

" Les obus se suivaient, précipités, mais on ne les entendait pas, c'était trop près, c'était trop fort. A chaque coup, le coeur décroché fait un bond, la tête, les entrailles, tout saute. On se voudrait petit, plus petit encore, chaque partie de soi-même effraie, les membres se rétractent, la tête bourdonnante et vide veut s'enfoncer, on a peur, enfin, atrocement peur...Sous cette mort tonnante, on n'est plus qu'un tas qui tremble, une oreille qui guette, un coeur qui craint..."

guerre, bataille

" Mais il se répétait : "C'est la guerre...Je vois la guerre" sans parvenir à s'émouvoir. Il ne ressentait rien, qu'un peu de surprise. Cela lui semblait tout drôle et déplacé, cette féerie électrique au milieu des champs muets. Les quelques coups de fusil qui claquaient avaient un air inoffensif. Même ce village dévasté ne le troublait pas : cela ressemblait trop à un décor. C'était trop ce qu'on pouvait imaginer. Il eût fallu des cris, du tumulte, une fusillade, pour animer tout cela, donner une âme aux choses : mais cette nuit, ce grand silence, ce n'était pas la guerre...Et c'était bien elle pourtant : une rude et triste veille plutôt qu'une bataille."

" La guerre...Je vois des ruines, de la boue, des files d'hommes fourbus, des bistrots où l'on se bat pour des litres de vin, des gendarmes aux aguets, des troncs d'arbres déchiquetés et des croix de bois, des croix, des croix...Tout cela défile, se mêle, se confond. La guerre...Il me semble que ma vie entière sera éclaboussée, de ces mornes horreurs, que ma mémoire salie ne pourra jamais oublier. Je ne pourrai plus jamais regarder un bel arbre sans supputer le poids du rondin, un coteau sans imaginer la tranchée à contre-pente, un champ inculte sans chercher les cadavres. Quand le rouge d'un cigare luira au jardin, je crierai peut être : "Eh ! le ballot qui va nous faire er'repérer!.." Non, ce que je serai embêtant avec mes histoires de guerre ,quand je serai vieux."

" On distinguait à peine la silhouette des arbres, tant la nuit était noire, et au loin, vers les lignes, où nos canons tonnaient par bouffées, nulle lueur n'éclairait le ciel bas. La bataille invisible se déroulait, derrière ce grand mur sombre, et les routes, gonflées ainsi que des artères, chassaient vers elle du sang nouveau."

" Faire la guerre n'est plus que cela : attendre la relève, attendre les lettres, attendre la soupe, attendre le jour, attendre la mort..Et tout cela arrive, à son heure : il suffit d'attendre..."

 

histoire

" Les anciens racontaient des histoires compliquées et brutales avec des " et pis alors" et des " tu t'rappelles", nécessaires à la belle ordonnance d'un récit. "

chanson

" Dors, min p'tit quinquin, Min p'tit pouchin, Min p'tit ruchin..."

 

 

 

 

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