Trois chevaux

Livre

« Les livres devraient rester sans surveillance dans les endroits publics pour se déplacer avec les passants qui les emporteraient un moment avec eux, puis ils devraient mourir comme eux, usés par les malheurs, contaminés, noyés en tombant d'un pont avec les suicidés, fourrés dans un poêle l'hiver, déchirés par les enfants pour en faire des petits bateaux, bref ils devraient mourir n'importe comment sauf d'ennui et de propriété privée, condamnés à vie à l'étagère. »

" Je lis seulement des livres d'occasion....Les livres neufs sont impertinents, les feuilles ne se laissent pas tourner sagement, elles résistent et il faut appuyer pour qu'elles restent à plat. Les livres d'occasion ont le dos détendu, les pages, une fois lues, passent sans se soulever."

"Si moi aussi je suis un autre, c'est parce que les livres, plus que les années et les voyages, changent les hommes."

amour

" Et elle arrive. Voilà Dvora, je sens des abeilles dans mon sang, un ours dans mon coeur, chaque battement est une patte qui démolit la ruche."

sud, non

" Je suis du Sud moi aussi et j'aime ceux qui disent non en se taisant. Et leur non, ils le font, sans l'agiter avant."

arbre

" Un arbre a besoin de deux choses : de substances sous terre et de beauté extérieure. Ce sont des créatures concrètes mais poussées par une force d'élégance. La beauté qui leur est nécessaire c'est du vent, de la lumière, des grillons, des fourmis et une visée d'étoiles vers lesquelles pointer la formule des branches."

terre

" La terre a un désir de hauteur, de ciel. Elle pousse les continents à la collision pour dresser des crêtes. Elle se frotte autour des racines pour se répandre dans l'air par le bois. Et si elle est faite de désert, elle s'élève en poussière."

" Il y a deux sortes de terre.....L'une a de l'eau en dessous, on fait un trou et elle affleure. C'est une terre facile. L'autre dépend du ciel, elle n'a que cette source. Elle est maigre, voleuse, capable de prendre de l'eau au vent et à la nuit, et dès qu'elle en a un peu, elle la dépense aussitôt en couleurs qui se figent dans la moelle des pierres, elle exalte les sucres des fruits et répand effrontément son parfum. C'est une terre de ciel sec, je la préfère."

géographie, sang

" Je demande d'ou elle vient. De Russie et d'Ecosse du côté de sa mère, de Sicile et de Ligurie du côté de son père. Tu es une princesse, tu portes la géographie dans ton sang."

rire, baiser

" Devant une femme, je sens le Napolitain qui a envie de la faire rire. Sans éclats de rire avant, les baisers sont fades."

visage, père

" Moi, il me suffit de lire ton visage, dit-elle. Quelle page préfères tu? La dernière, la nuque avec les rides parallèles de mon père."

nuit, vieillesse

" Arriver jusqu'à la nuit, c'est déjà mourir vieux"

tuer

" Mon futur, dit-elle, se trouve dans un maudit verbe pratique et sale. Tuer, demandé-je, elle baisse la tête et retire ses bras de mes épaules. Je ne dis rien. Une fois employé, ce verbe reste das le corps ainsi, à l'infini."

manoeuvre

 Quelle vie de chien ont les gens qui sortent à cette heure.- Laila, c'est ce que font tous les manoeuvres du monde, ils se lèvent avant la lumière, ils rentrent après la lumière. Ils vont du noir au noir. 

homme, bête

 "Et je sais que je suis un homme maintenant car je suis la plus dangereuse des bêtes."

docteur, ville

"Il ne veut plus de la ville, des gens aux blessures maudites, de balles , de drogue, de nerfs. Il veut soigner des os, des cœurs, des vieux."