Les insurrections singulières
questions, parent
"Il y a des questions qu'on ne pose jamais à ses parents. On a peur de les toucher là où on les sent fragiles. "
travail, consommation, vie, moral, monde
"Tant de vies gâchées à des tâches inutiles! Faut que ça consomme sur la planète...Et si ça consomme moins on crie à la crise et on se demande comment faire remonter le moral des ménages! Comme si le moral n'allait pas remonter en flèche si on consommait moins, si on travaillait moins, si on vivait plus. "
"J’ai eu beau toute ma vie essayer. Rien à faire. Il y a quelque chose qui ne colle pas entre moi et le monde, moi et ce que je vis. Et je ne sais pas ce que c’est. Je suis à côté. Toujours à côté."
...moi, j'aurais bien passé ma vie à contempler les gens, les choses, à écouter, à sentir, à toucher. C'était ça être vivant..... "
libraire, folie, fous, désir, livre
"J'ai toujours aimé les fous, Antoine. Les décalés, c'est les seuls qui laissent la place au désir. Dans le décalage, c'est là. Je me méfie des gens trop bien installés, riches ou pauvres, dans leur peau, garantie cent pour cent tranquilles. J'aime pas les cimetières ambulants. La moitié des gens sont déjà morts. Tu vois, au marché, j'ai appris plein de choses.Combien j'ai de clients, moi, sur tous ceux qui achètent au marché ?... même pas dix pour cent ! Ceux-là en plus des carottes et des pommes de terre, il leur faut une épice, le goût de quelque chose d'autre. Ils viennent le chercher dans les livres. Sinon ils savent bien que toutes les carottes du monde, même bio, et tous les steaks, ça ne servira pas à grand chose pour traverser les jours. Dans les livres, il y a le décalage. La place pour le désir. "
"Tu vois,moi, j'ai j'ai des passions, les livres, ça me sauve...je traverse mes tempsmorts avec des gens qui ont oeuvré pour ça, ceux qui ont écrit........J'ai le livre en main et c'est du carburant pour ma vie à moi.... "
partir, empreinte, enfance, père
"Il y a longtemps, j’ai voulu partir. Ce soir, je suis assis sur les marches du perron. Dans mon dos, la maison de mon enfance, un pavillon de banlieue surmonté d’une girouette en forme de voilier, la seule originalité de la rue.
Je regarde la nuit venir. C’était un soir, dans la cuisine, celle qui est toujours là si je me retourne, que j’ouvre la porte et que je fais six pas pour arriver au fond du couloir. C’était comme ce soir, trop chaud. Mon père fignolait une de ses maquettes de bateaux anciens. Sur la toile cirée, ses doigts, quand ils avaient appuyé longtemps, laissaient une trace, comme la buée sur les vitres. Et puis la trace disparaissait. Ce soir-là, j’ai eu peur. Peur, si je restais dans cette cuisine, dans cette maison, de devenir comme la trace des doigts de mon père. Juste une empreinte. Qui disparaîtrait aussi. "