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Les citations sérieuses du docteur Chabry
Les citations sérieuses du docteur Chabry
  • Orpailleur littéraire, voilà ce que je suis. Les livres sont pour moi des rivières dans lesquelles je cherche des paillettes d'or. Mon trésor à moi ce sont les citations que j'extrais de mes lectures, ce sont mes pépites!
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Les  citations sérieuses du docteur Chabry
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25 août 2015

Petites scènes capitales

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photographie, naissance

" Mais la photographie renouvelle sa source d'intérêt, et de trouble en la déplaçant. Un jour, Lili l'extirpe de son cadre et l'inspecte à la loupe. Sa mère se tient le dos très droit contre les oreillers..Ses yeux sont ombrés de cernes; son regard n'est pas tourné vers son nouveau- né, il semble braqué dans le vide. Elle paraît calme, elle sourit. Une large flaque de lumière éclabousse un pan de mur derrière le lit. L'enfant a cru longtemps que cette coulée de lumière jaillissait du sourire de sa mère. C'est simplement le soleil de ce matin d'été, où elle vient d'arriver au monde, qui pénètre par la fenêtre aux rideaux mal tirés."

voix, oiseaux, mère, liberté

" La voix des oiseaux. Les voix de brume et de rouille des oiseaux écroués. Elles bercent ses siestes et ses nuits. Elles ne l'effrayent pas, elles l'apaisent au contraire. Parmi ces voix étranges et familières, elle aime particulièrement celle des paons, grise et rugueuse, et les hululements des rapaces nocturnes qui lui font l'effet de longs rubans de sons soyeux ondoyant dans le noir. Elles remplacent la voix inconnue de sa mère, sa voix manquante et désirée."

" Les goélands et les mouettes louvoyant autour du port, leurs cris aigres, entre geignement et colère; leur âpre ostinato...Ces oiseaux de mer sont en liberté, eux, pourtant, pourquoi alors ce goût de fer, ce gris de limaille, ces sons grinçants, perçants, dans leurs voix ? La liberté est-elle si rude, elle aussi ?"

immeuble

" Le jour, elle ne prête pas attention aux façades des immeubles, mais le soir, dès que les fenêtres s'éclairent, elle les regarde avec curiosité, avec avidité. Tous ces rectangles de lumière qui s'ouvrent dans l'obscurité la mettent en émoi; ils trouent la nuit, ils percent la pierre, les briques, le béton, ils révèlent de l'intime tout en le maintenant voilé. Ils ne révèlent rien, ils suggèrent, plutôt, ils donnent à rêver, à imaginer. Ils lui laissent entrevoir d'autres êtres semblables et ignorés, et qui lui demeureront inconnus alors même qu'ils sont contemporains et ses concitoyens. Si proches, et inaccessibles. Ils signalent qu'ils existent d'autres vies, d'autres familles que les siennes, d'autres destins possibles. Parfois des silhouettes se profilent derrière les vitres, mouvantes ou immobiles, furtives toujours. Et follement désirables.Lili ne peut s'empêcher de penser que les appartements où vivent ces ombres qui se meuvent en silence sont des havres de félicité et de quiétude. La lumière qui luit dans l'enclos de certaines fenêtres lui semble plus douce, plus soyeuse, que celle qui brille chez elle, ou plus glacée et vivifiante. Mais surtout, ce sont ces silhouettes anonymes qui la troublent, ces esquisses de vie saturées de mystère dans leur banalité."

famille, mère

" Elle se plaît à la maison, parmi sa famille dit-elle. En vérité, elle se plaît surtout auprès de sa mère, ou plutôt en léger retrait, à une distance infime mais suffisante pour jouir de sa présence. Des autres, au fond, elle peut se passer, ils ne sont que des satellites gravitant autour de son soleil maternel."

" Elle n'est pas, ne sera pas du voyage. Elle n'est pas, ne sera jamais leur soeur de sang...Est-elle donc vouée à ne toujours occuper qu'un strapontin au fond du théâtre affectif de la famille ? "

dessinateur, rien, beauté

"Il aime crayonner, saisir des détails, concentrer son attention sur l'instant, cela lui suffit. Pour lui, les petits riens ne sont jamais insignifiants, la beauté foisonne dans l'infime."

" Viviane a tant maigri qu'elle semble se réduire à une esquisse de la femme qu'elle était, et les couleurs tranchées qui signaient sa beauté se sont fanées - ses cheveux sont gris, son teint s'est plombé, brouillé de jaune, elle ne se maquille plus, sa bouche est pâle, ses yeux, plus enfoncés dans les orbites ocreuses. Cette grisaille qui décolore son visage, l'excave et le frotte d'ombres blêmes, ne ruine pas sa beauté, elle la décale, l'évide, elle la déporte vers une lisière où le visible conflue avec le silence."

foi, religion, exaltation

" Il ne parle plus de se faire religieux, sans pour autant avoir renié la foi qui lui était venue avec la soudaineté d'un éclair dans un ciel paisible. Son exaltation des débuts est retombée, comme lentement se dissipe un brasillement d'or, de bleu tendre et de rose diaphane sur la mer quand le soleil se retire ou se voile, laissant un brin de feu, de pur ravissement au fond de la rétine, et que ce que l'on ne voit plus au-dehors, mais qu'on a vu, vraiment, intensément, se glisse au-dedans, dans la chair , s'y enfonce, se diffuse dans le sang et y devient désir à jamais en émoi."

regard, yeux

" De son visage, elle ne voit rien, elle se souvient juste des yeux immensément ouverts, hagards, de la femme quand elle a surgi dans l'embrasure de la porte cochère. Non, pas même les yeux, elle ne saurait en décrire ni la forme ni la couleur, mais le regard, oui. Un regard échappé aux yeux, aux iris, aux paupières, une sorte de coup de vent éperdu qui l'a comme aveuglée, un regard vent-voix à bout de souffle, exténué, impérieux dans sa supplication. Prenez-le vite, cachez-le, sauvez mon enfant !"

chien

 " Le chien était aussi son partenaire quand il jouait aux échecs....il en suivait la lente évolution avec attention et beaucoup de patience, comme s'il comprenait que l'occupation à laquelle se livrait son compagnon humain était d'un grand sérieux, qu'il ne fallait pas le déranger, pas le distraire, mais au contraire le soutenir dans son effort de concentration. Les chiens savent respecter bien des choses qui leur restent énigmatiques, mais dont ils sentent l'importance, la gravité, pour leur maître, ce que la plupart des humains sont incapables de faire les uns vis-à-vis des autres, trop vite agacés, ou orgueilleux et ombrageux pour supporter de rester à l'écart d'une activité ou d'une pensée dont la logique, la pertinence et la saveur leur échappent."

vieillesse, mémoire, alzheimer

" Gabriel distingue de plus en plus confusément l'ordre des années, des mois, des jours, il n'est plus positionné dans la durée comme sur des rails, le train des jours va à rebours, fait des méandres, file dans la brume. Il est un passager immobile en retard croissant sur la marche du train, c'est le temps qui bouge en lui, il se meut dans sa chair, dans son esprit, ainsi qu'un vent ténu, d'une douceur érosive, il y tourne en lentes spires, disloquant les strates du passé, brisant l'écorce du présent, et la pulvérisant.Ses aujourd'huis béent sur du vide, en leur fond luisent ses hiers."

 

 

 

 

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