L'enfant d'octobre
enfant
mort, souvenirs
« La foule est grosse. En procession, elle dessine une houle. Ils sont tous venus, ils ont tenu à être tous là, délaissant pour un instant les rancœurs, les calomnies, la sourde hostilité, les œillades torves, les moues dégoûtées, comme si la mort d'un enfant pouvait tout effacer, en un coup de chiffon sur un tableau noir, en un tour de passe-passe. Pour un instant. Comme si la mort d'un enfant était plus forte que la vallée, capable de faire taire la haine, enfin. Comme si elle la tenait en respect, pour quelques heures. Comme si elle décrétait une trêve. »
« C'est les souvenirs qui aident à supporter l'absence de Grégory. Les souvenirs, rien d'autre. On a enfermé dans une boîte les moments les plus doux. On rouvre la boîte les jours où on ne va pas bien. Et notre petit garçon, alors, est avec nous, à nouveau. Il nous sourit. Il nous accompagne sur le chemin qui nous reste. »
« Dès le commencement, la presse, la télévision, la radio se sont intéressées à l'affaire. La mort tragique d'un enfant, cela frappe l'opinion qui communie aussitôt, par réflexe, avec la famille supliciée et, dans le même temps, entend en savoir davantage. Nous sommes ainsi faits : nous ralentissons sur le bord des routes lorsque vient de se produire un accident. Notre désir, en cet instant, est moins de secourir les victimes - il se trouvera toujours des gens formés à cela pour le faire - mais de voir la tête qu'elles ont, ces victimes, et espérer qu'un peu de sang ait coulé sur la chaussée, entre les bris de glace ou le long de la tôle froissée. Les médias se contentent, c'est bien connu, de satisfaire notre morbide curiosité, notre goût pour les histoires qui finissent mal, notre inclination pour le drame. »
crime
" Un matin d'octobre 1984, à la une des journaux, on découvre le visage d'u enfant, quatre ans peut être, une espièglerie dans le regard, des boucles brunes, une bouille ronde et souriante. Immanquable, le sourire. Les titres au dessus de la photo sont sans équivoque : "Un crime abject", "L'horreur", "Le drame", des mots comme ceux-là, des mots lourds de sens, l'annonce d'un malheur. Et c'est saisissant,ce contraste, l'écart insupportable entre la jovialité de l'enfant et la dureté des mots."
chagrin
" On peut vivre longtemps avec le chagrin. Il suffit de se forcer."