Les quatre jours du pauvre homme
sourire
" - Tu ne reconnais pas ce sourire-là ? François dit non, mais en même temps il sentit qu'il mentait, car c'était un sourire qu'il s'était souvent lui-même dans la glace. - Sache donc, mon garçon, que les gens qui sourient comme ça, avec cette sorte de douceur, sont des gens qui ont renoncé une fois pour toutes. Renoncer à lutter, tu comprends, à attendre quelque chose des autres. On ferme le volet et on est tout seul."
malheur
" Ca y est ! Voilà maman qui parle. Je te jure, François, que tu lui ressembles étonnament. Tout à l'heure, quand tu seras un peu plus saoul, je suis sûr que tu vas me raconter tes malheurs. Tu dois les raconter à n'importe qui, au bistrot. Comme maman ! Mon Dieu ! comme elle aimait les malheurs ! Elle en aurait tricoté. Elle aurait supplié le bon Dieu d'en faire pleuvoir sur nos têtes."
vivre
" Et papa, lui qui aurait tant voulu vivre ! Tu comprends ça, toi, le mot vivre ? Pas vivre comme toi, pas vivre comme moi. Je ne prétends pas que j'ai vécu. Ce n'est pas pour rien que je suis de la famille. Vivre, simplement. Vivre ! C'est la seule chose qu'on ne nous ait pas apprise, le grand tabou, l'indécence des indécences. Papa, lui, savait ce que c'était. Il avait des dispositions. Si tu avais vu ses yeux quand on rencontrait dans la rue une belle fille au corsage rebondi ! Et si tu avais vu ceux de maman ! Car elle flairait d'une lieue toute tentative de vie. Un coup d'oeil, rien qu'un, et papa s'éteignait."
naissance, mort
" Germaine est morte ! Cela l'exaltait de répéter ces mots à mi-voix et il aurait voulu les crier à gorge déployée, comme si c'était leur faute à tous, ou comme si cet événement le grandissait personnellement. N'est-ce pas avec le même frémissement qu'il avait annoncé jadis à ses collègues de bureau : - J'ai un fils ! "